Niché en plein Centre-Bretagne, au cœur du Kreiz breizh, Mellionnec, petit village de 420 habitants, se montre atypique à bien des égards.
Médiatisé depuis quelques années, comme le fut Trémargat avant lui, il peut apparaître comme une vitrine d’un monde néorural et alternatif idéalisé. En effet, la diversité des commerces est étonnante : un fournil de 6 boulangers réunis en SCOP, une micro-brasserie, une épicerie de producteurs, un café librairie ou encore une poterie y sont implantés. De plus, des projets d’envergure peu commune à l’échelle d’un village y sont menés : La création d’une école du documentaire en lien avec la faculté de Brest, la création d’une auberge de jeunesse ou encore le réaménagement du bourg par un cabinet d’architectes.
Mais derrière cela, il y a surtout des habitants mus par la volonté de vivre et de faire vivre ce territoire. Comment sont-ils arrivés à Mellionnec? Qu’est-ce qui les attachent à cette commune? Ce sont les questions que je leur ai posées.
Marie-José Fercoq, 60 ans, est élue depuis 1995 et maire de la commune depuis 2008. Elle est également pharmacienne à Rostrenen. Originaire de Centre-Bretagne, elle n’est cependant pas originaire de Mellionnec. « C’est une commune attachante, en tant que petite commune rurale. On a de très beaux paysages, préservés, c’est extrêmement important pour moi. Et puis, en tant que maire c’est une commune intéressante parce qu’il s’y passe beaucoup de choses. Il y a un terreau, mais il y a aussi des gens qui aiment habiter cette commune sans participer à l’effervescence associative. » Parmi les projets portés par la mairie, il est programmé un réaménagement du centre-bourg. « Quand je suis arrivée il y a 25 ans, la place de l’église était vide. Aujourd’hui, il y a des commerces, des activités, des enfants, une entrée de lotissement… il faut donc transformer cette place de l’église. » Indique Marie-José Fercoq. Parmi les nouveaux commerces que comptent la place de l’église, le café—librairie « Le temps qu’il fait » a ouvert ses portes en septembre 2018.
Elise Feltgen habite à Mellionnec depuis 5 ans. Après avoir tenu une librairie à Rouen, elle souhaitait avec son compagnon se sentir plus utile dans un lieu qui n’en avait pas. « On voulait une librairie de campagne. »
Elle découvre Mellionnec par le biais d’un ami, boulanger au fournil, et y reste plusieurs jours alors qu’elle est enceinte de son premier enfant pour savoir s’il était possible d’y ouvrir une librairie.
« On a parlé avec pleins de gens, il y avait une bonne maison de la presse à Rostrenen, mais pas de librairie dans les parages. Le lieu nous plaisait. Ensuite on a mis un an pour réunir les conditions pour venir ici. »
« Je ne me sens pas de Mellionnec parce que je ne suis pas là depuis assez longtemps, mais j’ai l’impression de faire partie de la vie du village quand je traverse la place et que je dis bonjour à dix personnes différentes, parce que mes enfants jouent sur la place avec d’autres enfants, parce que je fais mes courses dans le village ou parce que j’achète mes tisanes à Brendan, en face. » Le canal de Nantes à Brest, créé au XIXème siècle, passe par Mellionnec en réalisant un méandre au lieu-dit La Pitié. La maison éclusière est désormais fermée. Tous deux originaires de Basse Normandie, Fabrice, 51 ans, et Laetitia, 49 ans, sont arrivés à Mellionnec il y a 24 ans. Ils sont parents de trois enfants : Emma, Garice et Charly et se définissent avec fierté comme paysans. Au GAEC Palace Poulette, Fabrice et Laetitia Monthuley élèvent des volailles, mais aussi des vaches limousines et quelques porcs. Il s’agit d’une exploitation certifiée bio qui fait de la vente directe, notamment par le biais d’AMAPS.
Pendant ses études de sociologie, Laëtitia a découvert le centre Bretagne en suivant pendant un an des paysans du secteur. Elle a été complètement séduite par l’accueil qui lui a été réservé, ainsi que par les paysages, l’environnement naturel.
Fabrice de son côté a fait des études agricoles. Alors qu’il était en Corse, il a suivi Laëtitia pour des vacances dans un premier temps.
Ils sont revenus plusieurs fois par la suite pour envisager un projet commun avec des agriculteurs installés à Plouguernevel à quelques kilomètres de là, projet qui ne s’est finalement pas concrétisé. C’est cependant à ce moment-là qu’ils ont découvert cette ferme à vendre à Mellionnec.
« Quand on est arrivé ici, c’était le fruit du hasard. On est jamais venu ici pour être à Mellionnec. On ne savait pas ce que représentait Mellionnec dans l’imagination, même si à l’époque il y avait déjà un élu vert. On est venu ici parce qu’on avait un rêve de vie. On a eu un flash quand on est arrivé dans cette ferme. Le fait que ce soit à Mellionnec rend les choses plus agréables, mais ce n’était pas déterminant. » Pendant les vacances scolaires, Charly aide ses parents le jour d’abattage des poulets. Outre son métier de paysanne, Laëtitia est également professeure de yoga et suit une formation de soins ayurvédiques. « Je suis attaché aux racines, c’est mon lien au sol. Je ne suis pas un marin, je suis un terrien enraciné. Je ne suis pas défini par un territoire local. On se sent bien quelque part, on y reste. Quand on est ailleurs que chez nous, c’est de cet endroit là dont on parle, ce n’est pas pour autant qu’on a une fierté monumentale de vivre à Mellionnec, c’est juste chercher l’osmose, se sentir bien où l’on vit. » Un ruisseau passe sous des arbres dans un sous-bois. Mellionnec, France, février 2022De nombreuses balades et circuits de randonnée existent à Mellionnec, nous faisant passer par des chemins creux, longer des ruisseaux où les arbres sont recouverts de mousses.
L’ancien presbytère va devenir une auberge de jeunesse pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes. Des séminaires ou autres stages pourront également y être organisés. Didier Ollivier est l’ancien boulanger de la commune. Le fournil est devenue une SCOP. De son côté, il s’occupe désormais de la création de l’auberge « A la belle étoile » qui ouvrira ses portes en décembre 2022. Une femme déplace ses chevaux avec ses filles et sa voisine en traversant le bourg. Il s’agit de Marieke Leverrier, enseignante de 40 ans. Portrait de Marieke Leverrier, habitante de Mellionnec, dans la forêt. Mellionnec, Bretagne, France, février 2022Marieke habite à Mellionnec depuis 10 ans. Elle a grandi en Basse Normandie et est arrivée en Bretagne il y a 15 ans. Sans chercher à vivre à Mellionnec, elle et son compagnon ont eu un coup de cœur pour leur lieu de vie. « Ce qui m’attache maintenant à Mellionnec, c’est mon lieu de vie, la maison, les travaux qu’on y a fait, les arbres qu’on a planté, mes filles et ce qu’on a construit avec elles ici depuis qu’on est là. Et puis la qualité de vie : les paysages, les oiseaux et les animaux. Et les gens aussi, les rencontres, les projets collectifs qu’il y a ici et les réseaux qui se croisent, qui se chevauchent et qui font pleins de choses différentes. C’est le territoire pour moi qui a du sens. C’est mon ancrage maintenant. Je ne me sens nulle part ailleurs chez moi. » Salomé, 5 ans et demi, la fille de Marieke, dessine dans les arbres pendant une balade. « Quand je serai grande, je voudrais bien changer de ville pour découvrir d’autres mondes. Mais je suis heureuse de vivre ici parce que j’aime bien les forêts, les maisons, j’aime tout et je trouve ça tout joli ensemble! » « Ce qu’on aime ici, c’est aussi que dans le bourg, on est déjà à la campagne. », ajoute Marieke Leverrier Le cinéma documentaire occupe également une place importante dans la vie du village. L’association Tyfilms y présente en effet un festival depuis 2007, et soutient de jeunes réalisateurs. L’école du documentaire « skol doc » propose entre autres des ateliers jeunesse depuis 2015, et devient une étape du cursus de formation des étudiants en option cinéma de l’UBO de Brest. Léa Floch, 20 ans, est étudiante en licence arts à Brest. Durant cette année scolaire, elle a passé quatre semaines à Mellionnec afin de préparer un film documentaire de fin d’étude. Elle l’a présenté, comme les sept autres étudiants de sa promotion lors des Rencontres du film documentaire, le festival annuel.
Maxime Moriceau est salarié de Tyfilms pour le mois du Doc à mi-temps et prestataire audiovisuel dans la vidéo et l’éducation à l’image. Après avoir été simplement festivalier, il s’est installé pour un an en 2014 à Mellionnec. Il n’est jamais reparti.
Il travaille à la maison des auteurs. Pendant les vacances scolaires, il anime des ateliers jeunesse. Quand il est arrivé à Mellionnec, il a tout de suite eu l’envie de s’investir dans la vie associative, à tyfilms notamment, mais pas seulement.
« Pour moi être à Mellionnec, c’est avoir envie de s’investir, de proposer, d’être imaginatif et d’avoir un esprit collectif assez fort. C’est une des forces. Ce sont des gens qui n’ont pas peur. On imagine d’abord et on adapte ensuite les projets, on voit comment c’est faisable. »
L’édition 2022 des Rencontres du film documentaire a été un succès. De nombreux films affichaient complet durant les quatre jours de festival.
De nombreux habitants de la commune occupent des postes de bénévoles lors du festival, comme ici dans les cuisines. Gildas Héno, 35 ans, quant à lui, a fait bénévolement parti du comité de sélection des films pour cette édition. Il a vécu 6 ans à Mellionnec. Seule la projection du samedi soir a lieu en plein air. Une salle et un chapiteau sont prévus pour le reste de la programmation.